∫ the road to darkness is a journey
∫ A la rencontre du loup
La silhouette filiforme vint se planter face à la jeune femme qui avait le statut d'éduquer les jeunes loups à la maîtrise de leurs transformations et de leur sexualité, et c'était précisément des préoccupations qui turlupinaient l'esprit de Sorcha, dont les iris colériques cherchaient à assassiner son interlocutrice. Bras croisés, nul sourire n'ébauchant son doux visage... elle était visiblement des plus contrariées quand elle lança à brûle pourpoint :
« C'était pourri ton conseil et ça marche même pas ! »Quelle idée de l'avoir écoutée aussi. Elle aurait dû le savoir que compter à rebours cela ne servirait à rien. Elle n'aimait pas les chiffres de toute façon, cela ne l'intéressait pas du tout, contrairement aux étoiles ou aux récits des grandes batailles... Mais inutile de préciser que ces dernières avaient tout sauf l'effet désiré sur elle, à savoir baisser son rythme cardiaque pour retarder ou éviter une éventuelle transformation.
« Je vais faire comment quand je serai une femme hein, si j'arrive même pas à me dire d'aller coucher dans mon panier d'abord ? » reprit-elle l'expression dont usait parfois sa mère envers d'autres mâles de la meute. Elle ne savait pas vraiment à quoi cela faisait référence, mais à ses yeux c'était comme demander à sa part animale de se lover dans la chaleur de son être et d'attendre patiemment la suite. Sorcha désirait tellement être déjà une adulte et maîtriser cette part d'elle-même, parvenir à faire ce que bon lui semblait, dériver dans ce monde et agir selon ses envies, ses désirs...
Elle en possédait tellement qu'elle ne saurait lesquels choisir, mais elle les voulait. Être capable d'être fière d'elle-même, ou même de sentir le regard empli d'orgueil de son paternel se poser sur son être, était comme un besoin ancré dans sa poitrine, et elle ne supportait pas l'échec auquel elle venait de se heurter. Elle ne savait pas comment canaliser ses pulsions, et elle s'inquiétait de savoir ce qu'il se passerait le moment venu où son premier sang versé lui signifierait qu'elle serait prête pour les prochaines chaleurs.
« T'es nulle ! Tu sais même rien et je vois même pas pourquoi t'as ce rôle dans la meute. Papa s'est trompé sur toi. » l'accusa-t-elle alors avec agressivité, son petit menton relevé et son regard la fusillant délibérément sous la colère qu'elle ressentait, détestant cette faiblesse qu'elle sentait en elle de ne pas déjà parvenir à se contrôler. Cela devrait être dans son sang, après tout elle était la fille de l'Ulfric. Mais c'était une erreur de penser ainsi, la laissant se fourvoyer.
« Première étape, apprendre à écouter, nourrir et satisfaire ta bête. » reprit calmement la louve qui la regarda sans perdre son calme un seul instant, connaissant parfaitement la gamine qui lui faisait face, reprenant les premiers apprentissages qu'elle cherchait à lui inculquer : parvenir à saisir et comprendre ce qui crépitait au fond de son être, et qui faisait parti intégrante d'elle-même.
« Seconde étape, apprendre à baisser ton rythme cardiaque. » Et là revenait l'idée de visualiser une liste de choses... naïvement, Sorcha n'avait pas cherché plus loin que l'exemple que son professeur lui avait proposé, sans même tenter de s'approprier cette méthode à travers autre chose... comme elle apprendrait par la suite à le faire. Du moins, en s'éloignant de la source de la lave d'émotions qui la chevaucherait.
« Pour le reste on verra le moment venu. » ajouta-t-elle, contrariant un peu plus la gamine qui fronça les sourcils.
« Mais je veux pouvoir dire merde si j'ai envie de dire merde. En plus j'aime pas les garçons. » décida-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine, le visage buté et obstiné, tandis que son regard se perdait sur un point fixe dans l'herbe.
« Si vraiment tu ne les aimais pas, tu ne t'inquièterais pas pour ça. » glissa alors la louve d'un petit sourire mi-moqueur, mi-amusé, à la pré-adolescente qui suintait d'inquiétudes et de questions sur ce qui se profilait dans son existence.
« Merde. » répliqua-t-elle alors en pivotant sur elle-même et commencer à s'éloigner d'une démarche raide.
« Tu vois tu fais déjà des progrès. » ajouta l'ainée, purement moqueuse, à cette petite fille teigneuse qui se retourna pour lui tirer la langue sans s'arrêter et prendre la poudre d'escampette. Elle voulait apprendre à se maîtriser, trouver une astuce, un moyen, une échappatoire, une... Elle voulait y arriver, et elle y arriverait, sa décision était prise.
To make me feel like
It's never too late
∫ J'ai découvert à ses lèvres que la saveur des humains pouvait être autre que ferreuse
Qu'est-ce qu'un café ? Une chose anodine que l'on boit sans même y penser, que l'on partage comme une réalité presque improbable... pour elle. Sorcha n'est pas humaine, née d'êtres qui autrefois ne possédaient aucune âme, venant composer la leur à travers les lambeaux qu'ils ingurgitaient. Ces êtres qui chassent une fois par mois sous l'argent déchiré de la lune venue dégueuler sa toute puissance dans ce ciel où sa rondeur déverse une douceur témoin de la cruauté animale des membres de la meute. Se nourrir de cette chair dont ils se repaissaient des siècles plus tôt. Elle... elle a grandi parmi eux, épousé leurs croyances, considéré les humains comme de la nourriture. Cela aurait du continuer ainsi, rien ne devait changer, et pourtant, c'était son cœur qu'elle sentait se précipiter dans sa poitrine lorsque leurs peaux s’effleuraient par inadvertance, ce maudit sourire qui se cramponnait à ses lèvres lorsqu'elle croisait son regard dans cette maudite ville où trop de prunelles s'agrippaient à ses courbes, à ses faits et gestes, à son existence, à la folie d'une âme trop jeune pour parfaitement saisir que ce n'était pas la chose à faire. Elle osait être troublée par celui qui aurait dû rester une proie et seulement cela, ne devant n'être capable d'éveiller en elle que la soif de goûter à son sang, mais ce n'était pas l'espoir insouciant qui enveloppait son être... Non, elle le voulait niché étroitement contre elle, elle désirait ardemment se perdre et être submergée par la fragrance de sa peau comme... une amante et non une prédatrice. Pourtant elle gardait cela secrètement au fond d'elle, comme parfaitement consciente que ce n'était pas une bonne idée, que les sentiments qu'elle vouait à l'humain causerait leur perte plus sûrement que la destinée macabre filé par les Parques pour un Roméo et une Juliette aux familles rivales. Ici, elles ne s'entredéchiraient pas, l'une dévorait l'autre, c'était dans l'ordre des choses, et les loups ne jouaient pas avec la nourriture, pas comme ça, pas ainsi... et surtout pas la fille de l'Ulfric. Mais elle était la seule à savoir, lui ignorait tout, jusqu'à l'existence de ces êtres différents, du fait qu'elle se nourrisse de viande crue, qu'elle ait déjà participé à des chasses destinées à déchirer les chairs flétries d'un humain coupable d'un crime le faisant basculer dans une dernière nuit ignoble pour la souris qu'il restait pour les chats le poursuivant inexorablement jusqu'à lui avoir brisé chaque os, arraché chaque lambeau de chair. Vomirait-il s'il le savait ? Tremblerait-il s'il apprenait que ce qui l'attirait en elle, cette douceâtre différente la rendait plus menaçante pour sa vie ? Resterait-il assis sur ce siège en plein milieu du cinéma, à ses côtés, comme un ami ayant envie de voir le même film qu'elle ? Aurait-il envie de... Un frisson s'évada contre sa chair, son souffle s'accéléra alors que du coin de l’œil elle vérifiait ce qu'elle venait de sentir, ce pouce qui effleurait sa peau, la caressant sans qu'elle ne chercha à s'esquiver. Ses iris glissèrent jusqu'aux siens, venant croiser son regard dans la noirceur des lieux, dans ce fond de salle trop dépeuplée pour que les quelques quidams présents leur portent une réelle attention. Comme s'il n'avait attendu que cela... et la caresse réciproque de leurs doigts, il s'inclina vers elle, venant effleurer de son autre main sa joue, la laissant ressentir l'éclat taciturne d'un cœur se fracassant dans sa poitrine. Et comme une vieille rengaine, sa nature se réveilla au fond d'elle... la laissant tout interrompre, et s'esquiver rapidement pour s'enfermer dans les toilettes.
Fixant son reflet, ses doigts se crispèrent sur le rebord du lavabo : C'est une mauvaise idée. Tout est une mauvaise idée. Tout allait foirer, elle le sentait au fond d'elle, et si elle finissait par lui faire du mal. Elle se força à fermer les yeux et à énumérer une multitude de choses familières, laissant son rythme cardiaque rejoindre la normalité. Et si...
« Sorcha ? » résonna la voix familière d'Elias dans son dos, ses iris glissant jusqu'à capturer son visage, sa présence, alors qu'il venait d'ouvrir cette foutue porte, de pénétrer dans cet espace où elle avait retrouvé un semblant de calme.
« Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu sais que ce sont les toilettes des filles ? » lui demanda-t-elle en se retournant pour l'affronter directement, sans pour autant combler cette distance. Mais un sourire amusé naquit sur les lèvres de l'humain tandis qu'il s'approchait sans s'inquiéter le moins du monde.
« Je sais. J'ai eu de la chance de ne pas être tombé sur une vieille grand-mère qui m'aurait massacré avec sa canne en me traitant de voyeur. » se fit-il joueur en parvenant face à elle, collant presque son corps contre le sien, ses iris s'ancrant dans le regard saisissant de celle qui sentit à nouveau les battements de son cœur guerroyer à l'intérieur de son être.
« Tout va bien ? » Hochant la tête, elle fit mine de vouloir se dégager, mais contre toute attente, s'il ne fit rien pour la contraindre à rester bloquée contre lui, il lui attrapa le poignet avec douceur.
« J'ai besoin de savoir... » Elle se retourna alors pour le regarder et n'eut que le temps d'ouvrir les lèvres qu'il venait les capturer des siennes. Jamais elle ne posa cette question, et puis elle n'en avait plus besoin, elle savait ce qu'il voulait confirmer, ces bras qui se nouèrent derrière sa nuque, son corps tout entier qui se lova contre le sien, leurs langues s'entrelaçant comme un millier de promesses aussi désuètes qu'improbables.
Je ne devrais pas... mais le souffle se brisant contre ses lèvres, c'était un désir plus insidieux qu'il venait d'éveiller, inconscient amoureux qui damnerait son existence pour goûter à nouveau à ses lèvres, pour la retenir contre lui et la garder prisonnière loin des ombres malsaines et néfastes. Alors qu'elle se reculait, non pour le fuir, mais pour gagner un autre support, cette porte close contre laquelle son dos heurta et que ses doigts se déversent sous les vêtements que ses mains jugeaient déjà de trop. Envieuse étreinte à laquelle elle offrait toute cette passion trop longtemps contenue pour cet homme qu'elle aimait.
Lui ne se fit pas plus attendre pour déambuler avec frénésie sur ces courbes dont il se languissait, comme si le stade de l'amitié n'avait eu pour effet que de les frustrer, les laisser se languir l'un de l'autre au point qu'ils ne pouvaient renoncer à ces secondes. Déjà il la saisissait pour la soulever, la laissant enlacer ses jambes autour de sa taille alors qu'ils apprenaient à ne faire plus qu'un, gémissements contre souffles saccadés, brutale échauffourée, tendre étreinte d'une douceur bafouée. Il la prenait contre cette porte, laissait son bassin venir heurter le sien, alors qu'elle mordillait son lobe, retenant une pulsion plus sanguine au profit de ces secondes. Le temps suspendant sa course, la chaleur divaguant entre eux, les souffles troublés du plaisir dérobé, il laissa la jouissance étreindre rapidement les deux êtres, le beau et la bête, tremblant dans l'étreinte de leurs bras, leurs lèvres revenant s'ébaucher, se noyer, et contre toute attente...
« Je t'aime. » souffla-t-il en collant son front contre le sien, sans oser mettre un terme à la position qui était la leur, à cet instant imprévisible qui venait de lier leurs existences, nouer la fatalité d'un destin qu'elle se refusait à entrevoir tandis qu'elle nichait son visage contre sa gorge, un sourire étirant délicatement ses lèvres et qu'un murmure s'en évadait...
« Moi aussi Elias... » ... mais il ne faudra jamais que mon père l'apprenne noya-t-elle dans les tourments de son âme abandonnée au bord de ses lèvres frôlant évasivement la chair offerte de sa gorge, sous une symbolique que lui-même ignorait. Elle se raccrochait à la fragilité de son être comme s'il était ce roc que le destin ne pourrait jamais lui dérober. Mais...
« Faut que j'y aille... » lâcha-t-elle en le repoussant, sentant la manifestation de sa louve dans ses entrailles... qui était restée silencieuse dans la satisfaction rapide de besoins primaires, mais qui à présent réclamait bien plus, affamée, désireuse de goûter à une saveur plus métallique et ferreuse. Toujours plus. Et elle devait juste foutre le camp avant de se transformer ici comme une idiote.
I know that it's you that I belong to
I'm burning like a cannonball in the air
Crushing into who I belong to
∫ Puis je l'ai vu détruire mon bonheur
- Tu pues l'humain, Sorcha. déclarait sa mère.
- Ah oui ? - Tu sais que tu ne... - Je m'amuse ! Est-ce que c'est mal de s'amuser ? Ce mensonge avait écorché ses lèvres, il lui avait brûlé la langue pour protéger son secret, cet amour interdit pour un misérable humain qui pourtant devenait peu à peu plus important que certains autres. Elle ne s'interrogeait pourtant pas encore sur l'avenir. Elle préférait vivre l'instant, sans trop réfléchir à ce qu'il pourrait sa passer si son père comprenait, ou s'il venait à tout simplement trouver tout cela... contre nature. Même à sa propre mère, elle n'aurait osé dire toute la vérité de crainte qu'elle rapporte tout à Achaius dont elle avait été la lupa, et dont la loyauté restait prégnante. Et puis, elle aussi pourrait trouver l'idée contre-nature, ils ne fonctionnaient pas ainsi... Après tout, levez la main si vous avez déjà couché avec un steak ! puisque dans l'idée, c'était un peu ce qui était en train de se passer justement. Pire encore compte tenu des sentiments qu'elle lui portait. Et c'était précisément ce qui préoccupait Achaius... sa petite fille forniquait avec la nourriture, elle passait de plus en plus de temps avec ce moins que rien, elle empestait son odeur qui collait à sa peau comme s'ils avaient passé des heures allongés l'un contre l'autre. Mais que savait-il de ce qui étreignait le cœur de sa fille chérie ? Lui qui semble dépourvu d'affect depuis quelques années, comme incapable d'aimer. Quelle tendresse a-t-il jamais exprimée à ses enfants ? Sorcha n'avait même jamais véritablement su s'il la voyait comme autre chose qu'une créature à modeler selon ses envies, ses besoins, malgré la notable préférence qu'il marquait entre son fils et elle. Elle... l’indécrottable chienne aussi provocante que joueuse, gamine combative et souriante qui semblait croquer la vie à pleines dents et apprendre peu à peu à contrôler ses instincts. Celle qui faisait d'autant plus d'efforts pour se contrôler depuis qu'Elias était entré dans sa vie. Mais ce n'était qu'une poudre aux yeux, la fracassante entrée d'un destin frondeur prenant les traits familiers de son paternel.
La pleine lune brûlait le ciel, et il se consumait déjà de la présence obsédante de sa rondeur, alors qu'Achaius avait prévu une particularité à cette nuit de chasse. Nuit où elle avait été conviée et qui allait bientôt commencer. Ignorante de la proie désignée, elle aurait pourtant presque pu sentir que quelque chose n'allait pas, que le monde s'apprêtait à l'avaler pour se venger de l'impudence dont elle avait fait preuve : pour qui se prenait-elle la petite louve pour penser pouvoir se trouver un amant parmi les normes, pour oser ressentir des sentiments pour cette bouffe qui allait dès à présent retrouver sa place, son rôle, et sa fin évidente ? Il allait être chassé, déchiqueté, dévoré, et les cris obsèderaient l'âme bafouée de celle qui ne supporterait plus de rester. Tout. Absolument tout était déjà écrit d'avance alors que le souffle du vent venait soulever la sombre chevelure qui flottait sur ses épaules, le balancement de ses hanches suggérant mille et une déviances sans pourtant qu'elle ne soit prête à véritablement s'y adonner. Que de la gueule... de la provocation... de... Elle s'approchait peu à peu, usant de son agilité, jouant des coudes pour avancer parmi la foule de loups encore humains pour certains, d'autres déjà transformés comme pour ne laisser aucune véritable chance à cette proie, créatures destinées à l'acculer, à le rabattre... Quand d'autres la suivaient déjà des yeux, transformés ou non, ils scrutaient la traitresse qui semblait percevoir une fragrance trop familière, quand son palpitant se serrait douloureusement dans sa poitrine. Elle se refusait à croire l'inévitable sentence que son père allait abattre froidement sur elle, mais l’œillade intransigeante et glacée d'une déception qu'il posa sur elle lui confirma ce qu'elle continuait désespérément de nier... mais qu'elle ne put plus lorsqu'elle le reconnut. Leurs regards se croisèrent, l'incompréhension naissant dans les prunelles du mortel ignorant tout de ce qu'elle était.
« Non ! Il est innocent ! Il n'a rien fait ! Il n'a commis aucun crime ! » En es-tu si sûre chimérique engeance du monde d'en bas ? N'avait-il pas posé les yeux sur toi ? N'était-il pas parvenu à ébranler ce cœur qui semblait vouloir s'échapper de ta poitrine à cette seconde ? La lune fracassait ces mots, ces paroles inaudibles à la frontière de son esprit risquant de se briser à ses pieds argentés.
« Il voulait te changer. T'arracher à nous. » répondit sa mère en lui saisissant froidement le bras, quand d'autres mains plus larges venaient l'emprisonner pour qu'elle n'avance pas plus, tandis que son père reprenait un discours incisif, ignorant sa fille sur la majorité, dardant un regard accusateur et punitif lorsqu'il parla du crime commun à la louve et l'humain.
« Ne les laisse pas faire ça ! » adressa-t-elle à sa mère, tout en cherchant à échapper à ces poignes trop sures sur sa peau.
« Ne fais pas ça ! » hurla-t-elle à son père tandis que l'émotion la submergeait, et peut-être également ce besoin de protéger ce qui était à
elle.
L'animal au fond d'elle refusait de partager ce qui lui appartenait, refusait de les laisser se repaître de son compagnon. Elle s'écroula au sol, laissant la transformation briser ses os un à un, un hurlement s'arracher de sa gorge en modification, la douleur venant lacérer ses entrailles... Nul être ne comprendrait jamais à quel point redevenir ce qu'ils sont est une épreuve qu'ils subissent avec détermination. Elle aurait été jusqu'à renier une partie d'elle-même pour Elias, et elle ne voulait pas qu'il la rejette parce qu'elle était un... monstre. N'était-ce pas ce qu'ils étaient tous ici, à vouloir se repaître du seul humain qu'elle aurait voulu préserver ? La chasse avait déjà débutée pour certains lorsqu'elle termina la sienne, des loups de confiance et dominants autour d'elle, elle vit son père partir accomplir ce qui était déjà écrit dans les étoiles : la mort de celui qu'elle avait osé aimer en allant à l'encontre de ses lois, en remettant en cause son autorité, en ... Et puis elle le vit, non sous des souvenirs ou des mots... non elle vit ces foutus images comme si c'était elle qui l'acculait. La louve grogna, grattant son museau au sol, un grondement sourd s'esquiva de sa gueule juste avant qu'elle ne retrousse ses babines, partagées entre l'envie de sang qui croupissait sur sa langue, et ce besoin de garder ce qui était à elle, de refuser d'être mise à l'écart comme une moins que rien. Punition. Le terme n'était pas assez clair à son esprit lupin mais ne manquerait pas d'être limpide lorsqu'elle finirait par reprendre forme humaine. Elle attaqua un loup, remettant en cause cette putain de domination, avant de finir au sol, d'un claquement de dents, d'une acculante réalité alors que d'autres images forçaient son esprit. Un glapissement de douleur fissura la détermination de l'animal...
Inutile d'être présente pour assister à cette mise à mort. D'une part, il l'avait écartée comme si elle ne méritait plus l'honneur de participer à la chasse. D'autre part, il venait de mettre à mort, de torturer l'être que tout son être considérait comme un compagnon... tant la partie humaine que celle plus bestiale qui l'habitait à cet instant. Submergée. Violemment contaminée, la louve hurla à cette lune brutale et indifférente ce qu'elle n'arrivait plus à gérer, tandis que quelques larmes du ciel venaient comme remplacer celles qui ne pouvaient s'esquiver des yeux secs de l'animal qu'elle était à cette seconde. Pluie venant s'abattre sur son pelage, fracasser sa douleur, laver la trahison douceâtre qui la dévorait de l'intérieur. Puis... comme elle ne pouvait plus rien y faire, comme les ordres s'arrêtaient à ces secondes... elle resta prostrée sur le sol, attendant de parvenir à changer à nouveau, à ressentir une douleur plus physique que morale. Nue à même ce sol boueux, elle se redressa, brisée, humiliée, blessée... douloureusement marquée par les actes de sa
famille. Quelle putain de famille dont elle vomissait jusqu'au nom qu'elle portait... sa propre mère avait préféré s'allier à l'Ulfric plutôt qu'à elle, avait décidé de détruire l'amour de sa fille pour des lois archaïques que son propre père aurait pu modifier si seulement il en avait eu envie. Tremblante, elle n'attendit pas le retour des loups pour se précipiter dans l'autre sens et quitter ces foutus bois, disparaître, se vêtir de vêtements laissés là pour la fin de la chasse... Elle prit à peine la peine de rentrer à l'appartement qu'elle partageait avec sa mère pour réunir dans un sac quelques affaires avant de prendre une toute autre direction, sous la colère et la rancune qui lui vrillaient l'âme et le cœur. Elle courrait, l'eau venant frapper son être, arracher les larmes à ses joues, ses vêtements déjà boueux par la saleté de sa peau, se laissaient maculer d'autres vestiges de sa fuite que les autres loups prirent sûrement pour la honte de vouloir se dissimuler et panser ses blessures avant de reparaître. Personne ne pensa qu'elle oserait accentuer l'affront en se rendant sur le domaine d'un autre "clan", en s'arrêtant, ses cheveux, échevelés, collés à ses traits, ses yeux rougis d'avoir trop pleuré, son être tout entier semblait au bord de la rupture, ses pieds instables frôlant ce précipice dont elle n'arrivait à s'éloigner. Pourtant, elle était là, devant cette porte, ses doigts tremblants venant actionner la sonnette, tandis qu'elle attendait, ruisselante, désespérément fragile à cette seconde. Lorsque le battant de bois s'ouvrit, laissant la jeune femme découvrir la silhouette de Gaella Coghlan, ses lèvres ne surent déverser pour premiers mots que...
« J'ai besoin d'un refuge... s'il vous plaît. » tandis que l'une de ses mains cherchait à faire disparaître l'eau souillant ses joues.
Souffrir la mort pour ton accord
Défendre nos torts et puis se taire
Le désir encore pour l'hiver
Un chaos d'efforts...
∫ Et comme un fétu de paille, j'ai laissé l'air nocturne m'entraîner au loin
Pénétrer dans sa chambre était presque une habitude, une lancinante habitude, alors que cela ne faisait que 6 mois qu'elle résidait dans cette famille. Celle dont elle ne se sentait pas aussi proche qu'elle l'aurait souhaité, comme si ses pas auraient dû la guider en dehors de la meute, mais qu'elle n'avait pu se résoudre à oser aller aussi loin, à s'égarer dans une solitude à laquelle elle ne survivrait pas. Impossible de se résigner à errer seule... après tout, jusqu'à peu, elle vivait avec sa mère, elle pouvait sentir le regard appréciateur de son père, elle... Tout avait changé depuis, comme si une tempête était venue dévaster toute son existence, qu'elle avait dû retrouver ses marques dans un autre lieu, sous cette manière de fonctionner mille fois plus démocratique... mais incroyablement chiante en un sens. Et c'était précisément cela qu'elle venait déverser dans la chambre d'Ezechiel.
Le loup avait presque immédiatement eu cet étrange effet sur elle, comme un besoin insoupçonné de venir trouver contre son corps, sous la brusquerie du monstre sommeillant sous sa chair la brutalité que son être avait besoin pour exister à nouveau sous la perte de ce norme dont le prénom refusait à présent de franchir ses lèvres. Opiniâtre spectre d'une nuit qu'elle préférait oublier... et pourquoi pas avec lui ? Contre sa peau ? Frémir à l'écho taciturne de ses lèvres, aux coups de reins assassins. Mais il ne lui prêtait qu'un intérêt vacillant et joueur.
« Franchement la démocratie ça craint des fois. » lâcha-t-elle en lançant un regard à celui qui pour l'instant était seul, celui qui faisait naître dans ses entrailles ce besoin destructeur qu'il soit sien, enfin. Comme un désir irrépressible qui suinterait à même sa chair, à même ses gestes involontairement lascifs... ou peut-être tout simplement inconsciemment dans sa volonté qu'il soit à elle, alors qu'elle ne l'intéressait visiblement pas vraiment.
« Mais c'est surtout toutes ces... pourquoi faut aller avec les autres franchement ? Qu'est-ce qu'on en a à foutre de montrer qu'on fait encore parti du reste de la meute ? Pis la petite nécromancienne qui se promène comme si tout lui était du. Franchement, elle se prend pour la 7ème merveille du monde avec son port de tête de petite princesse ? » Elle continua encore sur quelques sujets qui lui venaient à l'esprit, comme s'il avait pour devoir de l'écouter, qu'il ne devait faire que cela, que son temps n'appartenait qu'à elle, parce que c'était ce putain de désir qui dérivait en elle, comme une illusion qu'il lui fallait absolument rendre plus concrète au moins une fois, goûter à la rancœur de ses baisers, à la lancinante errance de leurs sens. Lascive créature qui se laissa choir, s'allongeant sur ce lit qui n'était pas le sien, ces draps sur lesquels le loup venait parfois la rejoindre, brutal, excessivement tentant, sans pourtant que les choses finissent par déraper. Elle le détestait quand il faisait ça. Elle la haïssait d'être entrée dans cette maison en lui volant l'attention des garçons. Soupir inconstant, murmure échoué au rebord de ses lèvres, désir crépitants qui la pousserait peut-être à le provoquer d'une manière plus visible. Ce n'était pas comme si elle n'était qu'une gamine, qu'elle n'avait jamais été touchée dans les saisons des chaleurs. Obsédante vérité. Déraisonnable luxure.
« Tu devrais penser à te racheter une langue. Tu sais, t'en servir pour lancer quelques mots, ou juste céder à tes pulsions au lieu de jouer au moine. Tu ressembles de plus en plus aux normes, enfin à certains, et pas les meilleurs. » fit-elle claquer sur sa langue, comme pour le faire réagir, le pousser à sortir de sa passivité, la laisser ressentir toute l'inconstance d'un désir passablement dévastateur. Non... elle ne remarquait qu'à demi l'attention de cet autre garçon vivant parfois sous ce même toit, celui-là même qui parfois apaisait le caractère sanguin de la jeune femme, son besoin d'envoyer chier certaines personnes, de sombrer sous la rancune tenace qu'elle vouait à sa véritable famille, à ce père qui avait tenté de lui parler à peine avait-il appris qu'elle les avait quitté... Rage informulée, face à face aussi inutile que se soldant par une ignorance teigneuse.
The mood is set,
So you already know what's next.